Damian naquit à Sanlow, une ville infestée par les porteurs de capes et leurs némésis. Ses parents ne dérogeaient pas à la règle. Ils n'étaient pas célèbres, ni adulés, mais ils se battaient pour la justice, poussés par des valeurs héroïques tangibles. Robert Delauney, alias Kinetix, son père, aux pouvoirs télékinétiques et Miranda Delauney, alias Stalker, sa mère, aux pouvoirs télépathiques. Il était les muscles, elle était l’esprit. Mais il n’utilisait pas ses muscles uniquement sur ses ennemis. L’esprit dérangé par les perturbations psioniques engendrées par la forte utilisation de ses pouvoirs, le paternel de Damian malmenait régulièrement le petit garçon, poussé par une colère incommensurable qu’il ne parvenait jamais à contrôler. Miranda essayait tant bien que mal de défendre son fils adoré, le protégeant de son corps au départ, puis avec ses pouvoirs. Télépathe de talent, elle commença à user de son don de persuasion pour obliger son mari à faire un tour dehors, dormir ou simplement rester debout dans un coin de la maison, à contempler un mur de son regard vide. Mais cette utilisation intensive de ses pouvoirs psychiques lui causa rapidement de sérieux problèmes. Son cerveau développa des tumeurs, ce qui l’obligea à cesser ses activités super-héroïques. Si revenir à une vie civile plus calme ne la dérangeait pas, l’incapacité à protéger Damian la submergea et causa une énième défaillance dans ses capacités télépathiques. Libéré de l’influence mentale de sa femme, Robert manifesta à nouveau la violence qu’il contenait depuis des années, cadenassée dans un coin de son cerveau. La bête mise en cage se libéra dans un hurlement de rage, l'esprit tourmenté par des délires malsains. Un soir, il rentra à la maison, plus énervé que jamais. Sauver les gens ne lui suffisait plus. Il avait besoin d’être reconnu, d’être LE héros dont tout le monde parle. Mais selon lui, sa famille l’empêchait d’atteindre cet idéal. Son cerveau malade le poussait à croire que sa femme et son fils n’étaient que des poids, des obstacles dont il devait se débarrasser au plus vite. Miranda essaya tant bien que mal de le raisonner. Elle le supplia de toutes ses forces. Elle le menaça, mais Robert était trop furieux pour l’écouter. Alors qu’il était à deux doigts de tuer Damian, qu’il étranglait grâce à sa télékinésie, Miranda s’empara de l’arme à feu de son mari qui traînait dans sa table de chevet et sans hésitation aucune, lui tira une balle dans la poitrine. Robert s’écroula immédiatement, raide mort, devant le regard horrifié de son fils. Damian retomba ensuite sur le parquet du salon en bataille, libéré des entraves télékinétiques de son paternel, et les yeux nimbés de larmes. Du sang plein le visage, il observa sa mère durant de longues minutes, agité de soubresauts nerveux. Elle le serra dans ses bras tout contre son palpitant, lui promettant qu’il n’aurait plus jamais rien à craindre. Et sans le prévenir, elle utilisa ses dernières ressources télépathiques pour effacer ses souvenirs d’eux et l’obligea à quitter la maison, sans se retourner. L’esprit de Damian arrangea suavement sa mémoire en comblant les trous béants laissés par leur absence.

Et il marcha. Jusqu’à s’en faire saigner les pieds. Il ne s’arrêta qu’au bout de plusieurs kilomètres, devant un orphelinat à l’allure austère. Quelques jours plus tard, lorsque les informations racontèrent le terrible meurtre de Kinetix et le suicide de sa femme Stalker, Damian ne sourcilla pas. Ils n’étaient que des inconnus à ses yeux, lui qui avait été lâchement abandonné par des parents dont il ne savait rien du tout. Sur le coup, il s’inquiéta pour les enfants de ce pauvre couple. S’ils en avaient. Lorsqu’il questionna l’un des surveillants de l’orphelinat, celui-ci se contenta de hausser les épaules. Personne ne connaissait la vie privée des super-héros. Selon lui, rien ne prouvait qu’un quelconque enfant habitait là-bas. Et pour cause, puisque Miranda avait pris soin d’effacer toute trace de son existence, afin de le protéger. Convaincue que Damian ne pourrait jamais se remettre de l’incident, elle avait préféré l’éloigner à jamais d’elle. Et elle s’était définitivement éloignée de lui en se tirant une balle dans la bouche, sans l’ombre d’une hésitation. Trois ans plus tard et ses dix ans révolus, Damian commença à s'intéresser d'avantage aux super-héros. Fan de ces derniers depuis toujours (sans qu’il ne puisse trop comprendre pourquoi), il collectionnait de nombreux comics. Damian adorait faire le mur de l’orphelinat pour voir ses héros préférés à l’œuvre. Avec un mantra : devenir comme eux. Malheureusement pour le garçon, aucune capacité exceptionnelle ne daigna se déclencher. Il essaya de nombreuses fois de se mettre en danger pour « activer » ses pouvoirs, qu’il était persuadé de détenir. Il tomba même d’un immeuble, un jour, avant d’être secouru par un héros qui le sermonna durant de longues heures. Mais Damian ne voulait rien entendre. Dans son esprit d’enfant abandonné, ses parents étaient forcément des grands héros qui possédaient des pouvoirs incroyables et incommensurables. Il s’imaginait déjà en costume, à voler dans les cieux, comme ses héros préférés. Et un jour, il en était persuadé, ses parents se manifesteraient, en lui expliquant qu’ils avaient été enlevés par un peuple extraterrestre. Évidemment, rien de tout cela se réalisa. Pourtant, un élément changea radicalement sa vie, quelques années plus tard.

Son don se déclara à l’aube de ses quatorze ans. Comme tous les matins, il avait attrapé son journal intime afin d'y noter ses doutes et ses angoisses. En notant le mot flammes, son carnet avait pris feu, sous ses yeux médusés. Il pensait rêver. De tous les pouvoirs qu’il avait imaginés, il n’avait jamais pensé à celui-là. Ivre de joie, il hurla son contentement dans tous les couloirs de l’orphelinat. Personne ne daigna le croire, évidemment, puisque tout le monde le prenait pour un moins-que-rien. Alors il nota le mot lévitation sur une statue de marbre posée maladroitement dans le petit jardin de l’établissement, qui décolla du sol durant quelques secondes. Les autres gosses applaudirent alors que le surveillant se dépêcha de prévenir le directeur, monsieur Blake. Ce dernier convoqua immédiatement Damian. Il le félicita, avant de lui proposer quelques avantages en échange de ses services. Télévision dans la chambre, console de jeux et habits tout neuf, des choses qu’il rêvait depuis son arrivée. Alors il accepta. Ce n'était qu'un gamin en mal d'amour et de divertissement. Qui aurait refusé ? Utiliser son pouvoir naissant pour aider le directeur lui sembla être une bonne chose à faire sur le coup. Rapidement, il devint le chouchou de l’orphelinat. Et plus précisément celui du directeur qui n’hésitait pas à lui demander des services de plus en plus malhonnêtes. Jusqu’à ce qu’il lui demande d’enfreindre la loi. Alors qu’il cambriolait une boutique de bijoux en pleine nuit, pour le compte de monsieur Blake, un super-héros l’attrapa. L’adolescent tenta de se justifier, et de balancer le directeur. Mais ce dernier nia toute implication. Selon lui, Damian était un délinquant de la pire espèce qui causait du tort à l’orphelinat depuis son arrivée. La colère du jeune homme et son comportement impulsif n’aidèrent pas à le crédibiliser. De plus, le vieil homme était acclamé pour son altruisme. Damian n'avait aucune chance de le faire tomber. Le tribunal pour enfants décida de l’envoyer dans un centre de détention pour mineurs, situé à quelques kilomètres de Sanlow. Pour se simplifier la vie, Damian décida de garder pour lui l’existence de son don. Il n’essaya même pas de s’évader, alors qu’il savait très bien qu’il en avait la possibilité. Un instinct lui chuchotait régulièrement de se tenir tranquille. Une voix féminine qu’il n’arrivait pas à reconnaître. Il ne savait pas pourquoi, mais cette voix lui semblait familière, et pleine de tendresse. Il ne croyait plus au retour de ses parents, plus depuis des années. Mais cette voix devint rapidement sa seule compagnie, sa seule parente. Au centre, il évitait le plus possible les autres adolescents, très différents de lui. Il n'était qu'un gamin manipulable, et la compagnie des autres détenus l'effrayait. C'est à cette période qu'il se plongea dans le l'écriture. Un moyen efficace de s'évader grâce aux pouvoirs des mots.

Puisque le directeur de l'orphelinat refusait catégoriquement de reprendre Damian, la direction du centre décida de le garder jusqu'à sa majorité. Si sa peine était terminée depuis un moment déjà, les autorités ne pouvaient décemment pas le mettre à la rue. Ses conditions d'emprisonnement souples et ses sorties régulières parvinrent à le satisfaire. C'était toujours mieux que d'être allongé sur un carton sous un pont. La voix qu'il entendait depuis quatre ans était comme une part de lui désormais. Elle le conseillait, lui donnait des astuces pour mieux contrôler ses pouvoirs. Damian ne savait toujours pas qui l'aidait, et la voix ne répondait jamais à ses interrogations sur le sujet. Ce n'est jamais bon signe d'entendre une voix dans sa tête. Pourtant, il ne pensa jamais qu'il était fou. Jusqu'au jour où cette dernière considéra qu'il était prêt à découvrir la sinistre vérité. Elle lui expliqua tout. Qu'elle était un amas de pensées semées dans son esprit par sa mère. Un héritage télépathique destiné à l'aider et à le protéger, même après la mort de la femme qui l'avait mis au monde. Le choc fut brutal, et excessivement douloureux. Lorsqu'elle lui raconta l'histoire de sa vie, et l'incident survenu avec son père, il s'écroula sur le sol en béton de sa chambre. Mais comme elle l'avait anticipé, il était désormais assez fort et mature pour encaisser la situation. Et il l'encaissa. Sa mission terminée, la voix s'éteignit à jamais, tout comme l'héritage télépathique de Miranda. Un second abandon nécessaire au bien-être de son fils, qui ne pouvait pas s'enfermer dans la prison de son esprit juste pour être près d'elle. Le jeune homme ressassa durant de longues heures les révélations de sa mère. Ses parents étaient effectivement des super-héros. Sa mère, tout du moins. Son père n'était à ses yeux qu'un monstre indigne de ses capacités. Et même si Miranda lui avait expliqué qu'il s'était comporté ainsi à cause de ses pouvoirs, Damian n'arrivait pas à lui trouver des excuses. Malgré tout, motivé par les actes héroïques de sa mère, le jeune homme décida de suivre ses traces et de devenir un justicier. Il s'entraina physiquement pour combler le manque d'offense de ses capacités et il se lança officiellement, avec plus ou moins de succès. La majorité atteinte, il quitta le centre et intégra le cursus de journalisme de l'université locale. Là-bas, il rencontra Teddy, dont il tomba immédiatement amoureux. Teddy était à l'écoute, prévenant et particulièrement séduisant. Damian était sur un petit nuage, tout lui souriait enfin. Malheureusement, il découvrit par la suite que son petit-ami était le fils d'un super-vilain et qu'il profitait de lui et de ses pouvoirs. Trahi, le jeune homme décida de rompre, fermant à nouveau son cœur de peur de souffrir à nouveau. L'étudiant se plongea d'avantage dans ses études et ses activités de justicier, conscient qu'il ne pouvait pas se lamenter toute sa vie.

Désormais, Damian jongle avec son métier de journaliste et son rôle de justicier. Un équilibre précaire qui, pour l'instant, lui convient parfaitement.