Les chiens ne font pas des chats…sauf exception.
C’est ce que je suis…une “exception” aux règles de la génétique. Comme si mère nature avait soudainement brandit un doigt d’honneur devant la face de mes parents.

Mes parents ? Je n’en parle pas souvent, mais je vais faire un effort pour aujourd’hui.

Helen et Victor Warren. Des gens “particuliers”...mais les autres préfèrent utiliser le terme de “héros”. Je n’ai jamais considéré mes parents comme des “héros”, ni même considéré ma place de “fille de héros” comme une chance, ni même un privilège…car si je partage leur sang et partageais leur toit, ça ne pouvait pas aller plus loin que ça.
J’étais trop différente, pas du même monde et comme toute chose qui sort du lot…on se retrouve rapidement incompris, pas à sa place quoi.

En effet, je n’ai aucun pouvoir. C’est ce qui a fait que je me suis éloigné un peu plus, chaque jour, de ma famille. Je n’ai pas eu la “chance” comme mon frère, de faire partie d’un cercle de “spéciaux” et d’entrevoir un avenir glorieux, se sentir utile pour quelque chose en fait. Mes petits problèmes de gens normaux, mes parents n’ont jamais su les comprendre, encore fallait-il qu’ils écoutent, mais le cas de mon frère les préoccupait beaucoup trop pour se rendre compte que moi aussi, j’étais dans le besoin…même si je n’avais le soucis de devoir contrôler un quelconque pouvoir. Et lorsqu’un moment pouvait se dégager pour me donner l’occasion de signaler ma présence, mes parents partaient “sauver le monde”. Alors, je suis parti, égoïstement.

Je ne me souviens même pas d’un quelconque regret, à part peut-être pour mon frère: Dereck Warren. Il est de deux ans mon cadet et je dois bien avouer qu’il était le seul dans cette maison qui me donnait l’impression d’être utile, j’étais la “grande soeur”...mais très vite, je n’ai plus servi à rien. Oui, finalement, partir était pour moi la meilleure des décisions. Personne ne regretterait quoi que ce soit…et si c’était le cas, alors tant pis. Il fallait y songer avant.

Je devais avoir 17 ans. Je n’avais aucune idée de quoi faire après, je me retrouvais là, à errer comme rien au milieu d’une foule de gens qui me ressemblaient bien plus que ma propre famille. Est-ce que je me sentais enfin à ma place ? Non…il a fallu attendre quelques jours pour ça. Quelques jours pour croiser la route d’un type: Harvey Skittle. Il était à la tête d’une petite organisation clandestine dans les bas quartiers de Sanlow. Un bandit dans toute sa splendeur, lui et les huit autres qui le suivaient dans ses plans. Ne me demandez pas pourquoi, mais je me suis laissé embarquer dans cette nouvelle famille de bandits, je mis mes “talents informatiques” pour les aider à réaliser quelques braquages en foutant la pagaille dans les systèmes de sécurités des boutiques luxueuses et des banques, pour dévier les signaux d’alarmes, ou encore mettre des caméras de sécurité hors-service. Je n’avais encore jamais envisagé que mes talents de “hacker” me serviraient à autre chose que d’introduire le système informatique d’un lycée pour changer quelques notes, ou bien encore pirater le compte des réseaux sociaux des pires garces de mon ancien lycée.

Bref. Je me suis bien amusé, sans même réfléchir un instant à ce quoi je participais. Je crois que je voulais simplement avoir une vie autre que celle d’avant, peu importait la finalité. J’étais bien avec ma nouvelle famille…jusqu’au jour où Harvey décida de passer un niveau au-dessus. C’était venu soudainement, sans la moindre explication, ni le moindre présage, à croire qu’il s’était réveillé un matin avec cette idée en tête: foutre la merde dans la ville en s’attaquant à l’une des plus grande prison qui renfermait les plus puissant criminels de Sanlow, y compris ceux qui utilisaient leur “particularités” pour provoquer le chaos. Lorsqu’on lui demanda pourquoi, il nous expliqua qu’il avait eu une proposition pour une somme d’argent…disons très conséquente. Assez pour se barrer de cette ville et vivre des jours heureux. Il refusa de nous en dire plus.
La famille commença alors à se craqueler, entre les suiveurs et les fuyants. J’avais décidé de suivre, rien que parce que j’appréciais Harvey et que - dans ma tête - je lui devais quelque chose. Il paraît que ça s’appelle de la loyauté. J’ai alors commencé à travailler sur ce nouveau projet, j’y ai passé des nuits entières avant de parvenir à quelque chose. Il était temps, Harvey devenait insupportable. Lorsque le projet se concrétisa davantage, de nouvelles têtes sont apparues dans la famille. J’ignorais d’où ses personnes sortaient, mais en les écoutant j’ai cru comprendre qu’ils partageaient tous une forme de haine envers les héros.

J’ai pris peur, pour la première fois de ma vie. L’ambiance de cette nouvelle famille ne me plaisait guère et je commençais à mettre moins de cœur à l’ouvrage, ce qui rendit Harvey fou de rage. Nous passions nos journées à nous disputer. De son côté, il émettait des doutes sur mes motivations, sur ma sincérité, allant jusqu'à me suspecter de le trahir. De mon côté, je ne voulais plus faire partie de ce projet et la personne que j’avais devant moi n’était plus elle-même. Harvey m’effrayait. J’aurais pu partir, mais je suis restée, me disant qu’un jour il reprendrait ses esprits, c’est ce qu’on appelle être idiote.

Janvier 2023. Le nom de “Voltage” apparaissait dans les journaux et résonnait dans les émissions de télévision. La ville était sans dessus-dessous, un type acharné, abattait la foudre sur la ville et sa population. Les fameux “héros” étaient de la partie pour tenter de mettre Voltage hors d’état de nuire. Ne pouvant plus travailler à cause de la “météo orageuse”, j’observais sans raison l’écran de la télévision, suivant à travers les images des quelques journalistes imprudents qui filmaient sur le terrain…et puis d’un seul coup, plus rien. La télévision s’arrêta, ne me laissant pas d’autres choix que de me mélanger aux autres de la meute…ou bien passer ma soirée dans mon coin, espérant que mon frère aille bien, mais pas que…j’espérais la même chose pour mes parents.

Je changeais intérieurement.
Finalement, ce n’était pas la vie que je voulais. Je ne savais pas ce que je voulais d’ailleurs, mais je ne voulais plus de cet entrepôt abandonné, avec une bande de couillons qui passent leur temps à boire et à se prouver qui à la plus grosse b***, attendant comme des chiens bien dressés que leur maître leur donne l’ordre d’attaquer. J’aurais dû partir lorsque je le pouvais, de toute manière Harvey n’avait plus le même rapport avec moi, j’étais une sorte d’employée à ses yeux. Un pion qui devait rester à sa place sur l’échiquier. Et puis, plus que tout, ma famille me manquait.
Alors j’ai attendu le moment propice et j’ai tourné le dos à Harvey…au moment même où il s’apprêtait à passer à l’action avec sa joyeuse bande. C’est ce qu’on appelle être une c******. J’ai jeté mon oreillette où la voix d’Harvey me hurlait dessus, j’ai plié mon ordinateur, j’ai pris le peu d'affaires qui m’appartenait et je suis parti…encore une fois.

Encore une fois, je me suis retrouvé dans cette foule, au milieu des chantiers de la ville qui réparaient les dégâts du mois dernier. Je ne me sentais ni bien, ni mal. Peut-être inquiète. J’aurais pu retrouver ma famille, mais je me voyais mal revenir comme un cheveux sur la soupe. Et puis, quoi dire ? Pardon ? Je n’étais pas douée pour ça. Alors j’ai opté pour une chambre miteuse dans un hôtel, puis un job de merde dans un fast-food où les clients se prennent pour les seigneurs et vous traites comme leur bouffon. Voilà, vous savez tout…de ma vie.